Eloge du commentateur sportif

“Accélèèèère, Accélèèèère”

C’est ce qu’a crié Julien Febreau dans un monologue exalté pendant le dernier tour de Pierre Gasly au Grand Prix Monza.

L’instant est déjà culte et restera profondément dans les mémoires, autant que dans la peau de tous les téléspectateurs. La chaire de poule ne cesse de revenir en entendant cette tirade magique…

Je ne suis pourtant pas un féru de formule 1 mais l’évènement est tout de même notable: La dernière victoire française en formule 1 remontait à 1996. Il aura fallu attendre Septembre 2020 pour qu’enfin un français monte à nouveau sur la plus haute marche du podium et que la marseillaise retentisse à nouveau. 

Cette disette devait prendre fin, et j’espère que la prochaine victoire française ne tardera pas autant.

Mais ce que je retiens surtout de cette victoire, au delà de l’aspect sportif, c’est ce moment de télévision. La capacité du commentateur de Canal plus, Julien Febreau, à m’avoir fait vibrer. Il a eu les mots justes, les formules précises et la voix éraillée par l’allégresse… Cet emportement venu du coeur pour la victoire de Gasly restera vraiment dans les mémoires

Commentateur sportif, l’Aède moderne

Les commentateurs sportifs ont un métier à part. Je place ces personnes sur un immense piédestal pour plusieurs raisons. 

D’abord, ce sont les aèdes modernes. Ils sont les conteurs des légendes sportives actuelles. Ils chantent les exploits, les drames, les joies et les pleurs qui arrivent sur les terrains de sports. 

Tous ces évènements ont une place importante dans les esprits, car ils créent des modèles, ils inspirent, ils suscitent des émotions pour de nombreuses personnes. 

Narrer ces exploits est une grande responsabilité. Bien souvent ils accompagnent une part de nos vies. J’ai parfois l’impression quand j’entends la voix de Gregoire Margotton, d’avoir grandi avec ses histoires. Des épopées lyonnaises à la coupe du monde 2018… 

Un passeur d’émotion

C’est une force, voire un super-pouvoir des commentateurs d’arriver à passionner les téléspectateurs initiés ou non, et de transmettre des émotions fortes, dans une proportion qui n’est pas facile à trouver. Ils doivent susciter des émotions sans sombrer dans l’hyperbole et sans verser dans le sentimentalisme outrecuidant. Le piège dans lequel tombent certains, est de s’emballer pour des détails et d’en faire des tonnes.

Il y a la voix… Un critère qui est moins équitable, puisqu’en partie inné. Un commentateur peut travailler sa voix et son souffle. Mais le timbre capable de soulever une foule, de mettre les larmes aux yeux, de créer un souvenir inoubliable, c’est un don qui ne se travaille pas. Alexandre Pasteur, Grégoire Margotton, Alexandre Boyon, Julien Febreau, ou encore Patrick Montel possèdent ce timbre si particulier qui émeut aux larmes. 

Il y a la patte… Chaque commentateur mythique a sa touche personnelle qui fait que l’on ne l’oublie pas et que l’on attend l’événement sportif tout autant que la voix du commentateur. Le célèbre “Montez le son et rendez-vous au premier virage” de Julien Febreau est déjà iconique et légendaire. Quand j’entends cette phrase, j’ai le poil qui se hérisse, car je sais que l’instant tant redouté du départ est imminent. 

Lesté de lourdes responsabilités

Le métier de commentateur sportif est formidable, mais lourd de charges. La voix qu’ils ajoutent à l’image restera dans l’histoire et dans les mémoires autant que l’acte sportif. Aussi, ne doivent-ils pas se rater au moment fatidique, au risque de gâcher complètement l’événement. Ils n’ont pas de deuxième chance. Ils doivent trouver les mots justes au bon moment. 

A leur place dans ces grands instants, nul doute que je bafouillerais. Je serais facilement dépassé par l’évènement et perdrais mes moyens. De quoi tout gâcher…

Imaginez… Si Julien Febreau avait perdu ses moyens dans le dernier tour de Pierre Gasly, qu’aurait-on dit ? 24 ans d’attente de victoire française, et un instant ruiné pour les spectateurs à cause d’un commentateur qui se rate. L’événement ne serait pas resté aussi fort. Tout le mythe s’effondrerait. 

Ils doivent donc à la fois s’emballer pour ce qu’ils voient, tout en restant lucide. Ils ne peuvent pas se laisser totalement submergé par les émotions. Cela requiert un immense de contrôle de soi.

Un remède à la mélancolie

J’ai une profonde admiration pour ces hommes car ils me font voyager dans l’espace et dans le temps. Mes souvenirs de jeunesse sont indissociables de ces grandes voix. Quand je me remémore la voix de tel ou tel commentateur, je retrouve les émotions telle que vécues sur l’instant. 

Les voix des commentateurs du Tour me transportent dans les vacances de mes jeunes années. Celles des JO, ou du Foot, me ramènent à ces instants où tout chavire en un dixième de seconde et où la folie envahit absolument tout. 

Quand je fais du sport, j’aime imaginer la voix de mes commentateurs préférés dans ma tête qui s’emballent devant mes exploits.

Parfois même en période de coup de blues, je me suis repassé des vidéos d’exploits sportifs, juste pour écouter à nouveau ces voix vibrantes d’émotions. Cela permet de sortir des plus grands moments de mélancolie. C’est d’une efficacité redoutable.

Qui d’autre a autant de pouvoir ?

C’est la raison de cet éloge du commentateur sportif. Car je m’interroge: 

Qui d’autre possède ce pouvoir si fort sur nos émotions et nos souvenirs ? 

Qui d’autre peut se vanter de nous accompagner pendant autant de temps ? 

Qui d’autre a une aussi grande présence dans nos têtes et nos imaginaires ?

Je pense que ce sont les seuls. 

Les écrivains s’en approcheraient. A la différence que la voix des commentateurs ont une présence plus forte. Elles ont le pouvoir de nous habiter. Bien plus que les mots qu’on lit. Ces voix là deviennent comme un sur-moi, constamment présent dans nos têtes.

Alors bravo à tous ces commentateurs. 

Bravo pour cette capacité à unir, à émouvoir. 

Bravo pour avoir rendu des événements historiques encore plus inoubliables. 

Ces voix et ces personnes font parti du patrimoine. Il faut les préserver et les célébrer. 

“Accélèèèère, Accélèèèère” entre dans la longue liste des phrases de commentateurs qui sont gravées au plus profond de mon être.

Parmi ces phrases, entre autres:

“Second poteau pavaaaard”

“Attention le parapet Philippe”

“Il a Laure autour du cou”

“Pas ça zinédine, pas toi, pas maintenant”

“Maintenant qu’on a vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin le plus tard possible”…

Quelle sera la prochaine ?

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