Émilien Jacquelin, un champion à réaction

Photo : Nordicfocus

Un souvenir

2020… Dans la forêt d’Anterselva, deux biathlètes se toisent pour le titre mondial. C’est le dernier tour. L’ogre Norvégien est favori. Le français, outsider, va jouer pleinement sa chance, il n’a peur de rien. Johannes Boe et Émilien Jacquelin s’observent… La tension est à son comble… Un peu d’intox… Qui aura les nerfs les plus solides ? 

Ils sont quasiment à l’arrêt. Personne ne veut prendre les devants comme deux cyclistes sur le tour de France. Jacquelin fait mine de resserrer ses chaussures, puis passe. 

Je me souviens de ce moment, comme si c’était hier… Comme si c’était moi sur les skis… J’étais debout devant ma télé, le cœur au bord de l’explosion. 

Ils continuent de s’observer. Jacquelin skie en regardant derrière. “Regarde devant toi” criai-je à ma télé… Comme si je savais quoi faire dans une telle situation.

Première accélération du français dans la bosse. “Allez allez !”… Une descente, personne ne prend l’avantage. 

Le sprint est lancé, le français est bien à l’intérieur dans les virages. Je trépigne et saute dans mon salon. “Il va le faire !”. Il résiste… mètre par mètre il accroît son avance… Il se détache. “Encore, encore !” … Victoire ! Émilien Jacquelin est champion du monde de poursuite. Quelle sensation ! Quel panache ! J’en ai encore la chair de poule.

Ce jour-là, Emilien Jacquelin m’a subjugué. Je suis resté de longues minutes affalé dans mon canapé pour me remettre de ces émotions, le sourire béat, écoutant le débrief sans fin du commentateur à propos de chaque petit geste. Je me souviens d’avoir écouté toutes les interviews d’après course pour rejouer ce qui venait de se passer. 

J’étais conquis. Il venait de faire une entrée fracassante dans mon panthéon personnel des athlètes que j’admire… Émilien Jacquelin est un formidable biathète. Il peut être surpuissant sur les skis, redoutable dans un sprint. Il sait faire des tirs debout ultra-rapides. Il a des nerfs en béton pour faire craquer ses adversaires. Il sait bluffer pour prendre l’avantage… Dans ses grands jours, il donne l’impression de voler sur la piste et donne l’impression que le biathlon est un jeu. Bref, il a une classe folle. Lui qui adore le vélo, je le vois un peu comme un Peter Sagan, un talent fou mais une trajectoire tumultueuse.

Une saison difficile

Cette année a été plus compliquée pour lui. Il signe trois podiums en début de saison, mais il a des difficultés au tir et sur les skis. Tout au long de l’hiver, je continuais d’y croire. Il nous a gratifié de telles fulgurances, que tout est possible avec lui. 

Mais non, ce n’est pas comme avant. Il n’a pas été lui-même cet hiver. Peut-être à cause de sa fracture au poignet qui le gêne toujours, peut-être pour d’autres raisons… Peu importe. Ses faiblesses le rendent terriblement humain. En cela, je m’identifie profondément en lui. Un champion avec des faiblesses exposées au grand jour, c’est d’autant plus inspirant.

Après une magnifique victoire sur le relais par équipe au championnat du monde, il met finalement un terme à sa saison prématurément. Frustrant… Aucune victoire individuelle, et un classement final de la coupe du monde loin des espérances. 

Voilà, ça arrive. Ça ne remet absolument rien en question quant à son talent.

Le temps du sursaut 

Ces jours-ci, on lit des choses sur lui et sur l’équipe. Des petites phrases malheureuses lancées dans les médias…. Qui a raison, qui a tort ? Peu importe… Moi je suis du côté du sport…

Émilien Jacquelin va revenir, j’en suis sûr. Quand un athlète est capable de telles étincelles, il revient… Il a déjà montré qu’il faisait partie des champions à réaction. 

Certains champions ont des trajectoires sinusoïdales. Les bas sont difficiles, mais ils ne font que renforcer la beauté des sommets. L’hiver prochain Émilien Jacquelin sera là… Prêt à nous faire chavirer à nouveau… prêt à me faire crier devant ma télé avant un sprint fou…

Je n’ai qu’une envie : assister à nouveau à un final tendu, le voir faire mine de resserrer ses chaussures comme un pistard et planter une mine irrésistible pour aller lever les bras.

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