Ça pourrait être n’importe où. Ça pourrait être n’importe qui.
C’est juste un coureur au lever du jour dans son footing. Il sort de l’ombre et progresse tranquillement vers une lumière grandissante.
C’est juste un coureur que l’on pourrait apercevoir de sa fenêtre et qui passe par hasard.
C’est juste un coureur qui traverse le cadre, avec un éclat magnifique…
Il donne l’impression de suspendre le temps. On imagine ses pieds frapper le sol, ses bras se balancer, sa respiration s’accélérer. On sent l’air siffler dans ses oreilles, le vent lui décoiffer les cheveux vers l’arrière…
Et pourtant, on n’imagine pas les vagues refluer sur la plage. L’eau des rivières ne coule plus. Les rayons du soleil sont immobiles. Même les notes de musique flottent paralysées.
Tout, autour, est figé.
C’est juste un coureur mais il interrompt le monde de sa foulée. Il a tout arrêté et l’on attend qu’il nous rende l’agitation frénétique du quotidien.
On retient notre haleine. Quand il sortira du cadre, tout repartira. Trop vite.
Mais le souvenir de cette photo, lui, restera. Comme une cicatrice sur la peau, comme une étoile dans le ciel.
Car elle est d’une beauté renversante cette photo. C’est une claque fabuleuse. Sa sobriété provoque un étourdissement inoubliable. Il y a quelque chose du suprématisme de Malevitch. Coureur et triangle blanc sur fond noir… Une œuvre si épurée, que l’on est persuadé de l’avoir déjà vu.
C’est juste un coureur comme on en croise tous les jours, et pourtant…
C’est un instant parfaitement immortalisé.
Primée parmi les photos de l’année par Strava, depuis que je l’ai vu, elle n’a plus quitté mes pensées. Bravo au photographe pour ce chef-d’œuvre.
Sublime.