King Gebrselassie

Certains souvenirs ne s’en vont jamais. Ils résistent à l’épreuve du temps. Même s’ils remontent à la plus tendre jeunesse. Je me souviens avoir assister à la chute d’un Roi. Il délaissait son trône avec un grand sourire légendaire, et couronnait un jeune. Le nouvel élu. Le roi est mort, vive le roi. 

Paris, 2003… La piste aux Etoiles.

Les mondiaux d’athlétisme de 2003 à Paris ont été exceptionnels. Théâtre de grands exploits. De moments incroyables. Marc Raquil avait fait son entrée dans le dictionnaire avec comme définition: Nom masculin désignant une remontada de folie, soudaine et inespérée quelques secondes avant son terme. 

Le grand El Gerrouj était à nouveau sacré. Le relais français du 4×100 féminin était en or suite à une course inoubliable…

J’avais seulement 9 ans, mais cet évènement reste parmi les évènements sportifs les plus mémorables que j’ai pu connaître. 

Mais le fait le plus marquant pour moi s’est déroulé sur une autre course. Le 10 000 mètres. Un format auquel je commençais à m’intéresser. Il deviendrait pour moi la course référence. Celle à ne plus rater. Mes modèles étaient là. Ces silhouettes élancées, si souples, si gracieuses. Ils parcouraient la distance avec tant de facilité et de félicité. Et que dire du dernier kilomètre ? Ou du dernier tour ? Ils sprintaient comme s’ils prenaient le départ d’un 400 mètres. J’en étais subjugué à tous les coups. 

Le déroulement de la course

Kenyans et Ethiopiens règnent en maître sur la discipline. Et un certain Haile Gebrselassie en est le maitre. Il est double champion Olympique en titre, et quadruple champion du monde sur 10 000 mètres. C’est la légende. Sa foulée est une pure beauté. Son visage toujours impassible en course. En dehors, il arbore toujours un large sourire. Il était capable de réaliser des finishs d’une vitesse incroyable. En 2003, il avait 30 ans. Mais un petit jeune commençait à se faire un nom. Un jeune compatriote, dénommé Kenenisa Bekele…

L’arrivée approchant, trois Ethiopiens se détachent. Gebrselassie mène le rythme. Bekele lui emboite le pas. Le visage encore plus fermé que son ainé, mais la foulée tout aussi épurée. Qui supporter ? Les deux me fascinent. Faut-il encourager la légende ? Ou bien le jeune qui met à mal la hiérarchie ? Je n’ose me prononcer et contemple avec admiration le final. 

Bekele place son estocade fatale à 200 mètres de l’arrivée et se détache irrémédiablement pour franchir la ligne en grand vainqueur… Voilà le roi Gebrse détrôné. Mais avec le sourire s’il vous plaît. Toujours aussi rayonnant. 

Laisser la couronne à un compatriote a surement aidé. Mais en prenant dans les bras le vainqueur avec un grand sourire, il adoubait son digne successeur. Un successeur qui dans les faits, le surpassera. Sur 10 000 mètres, c’était bel et bien la fin du règne du petit Haile. Il n’obtiendrait que la 5 ème place aux Jeux Olympiques d’Athènes. Cette passe d’arme fut un moment historique. Un moment de grâce. Le bel esprit du grand Roi désarmé ne faisait qu’ajouter de la noblesse de sa carrière sur le tartan. 

Un mythe 

Mais les grands Héros ne meurent jamais véritablement. Si je m’étais pris de passion pour Bekele, je n’avais jamais oublié le pionnier. C’est pourquoi, lorsqu’il s’est tourné vers le Marathon, ce fut avec la plus grande joie que je le retrouvais de nouveau sur le devant de la scène. Il s’avérait aussi doué dans cette discipline. Si le sprint final était un peu moins impressionnant, la foulée, elle, n’avait pas changée. Il remporta bien des marathons, et parvint surtout à établir le record du monde du Semi-Marathon, puis du celui Marathon à deux reprises à Berlin. Des performances exceptionnelles. 

A Pekin, lorsqu’il revint sur 10 000 dans un ultime sursaut d’orgueil, je suivis sa course avec la plus grande admiration. Sachant qu’il ne gagnerait pas, Bekele étant au sommet de son art. Le fait qu’il s’aligne sur la course était un beau geste, et sa 6 ème place plus qu’honorable. Puis dans les années 2010, il oscille alors entre annonce de fin de carrière et petits retours qui surprennent toujours le public. 

Une inspiration

Ce modèle a fait qu’insidieusement, j’ai toujours supporté l’Ethiopie dans sa lutte avec le Kenya en Athlétisme pour la suprématie dans les courses de fond.

Je suis une victime du soft power de la chaussure de running en quelque sorte.

Mais c’est aussi pour ce moment que je me suis pris de passion pour les sports d’endurance. Le demi-fond, le fond, le cyclisme, puis le trail. Ces sports ne m’ont jamais quitté. Ces athlètes si déconcertant de facilité ont été de réelles sources d’inspirations. Et ces passes d’armes d’une extrême humilité n’ont fait que souligner la noblesse du sport d’endurance. 

Dans les sports d’endurance, tout vient à point à qui sait attendre. Ne jamais s’emballer. Ne jamais abandonner. S’entrainer dur chaque jour. Adopter une discipline. Aller au bout de soi même. Toujours regarder l’adversaire avec humilité. Faire preuve de patience et porter l’attaque finale au moment opportun. Voilà des leçons que m’ont appris les grandes figures comme Gebrselassie. 

Pour souligner son état d’esprit, il a un jour déclaré: « On peut laver son corps, mais comment lave-t-on son esprit ? En transpirant ! » Voilà un joli pied de nez au développement personnel tant à la mode aujourd’hui.

Le sourire comme Philosophie de vie

Gebrselassie m’a aussi appris à sourire. Malgré les blessures. Malgré l’adversité. Malgré les défaites. Malgré les obstacles de la vie. Toujours sourire. 

Essayez donc de taper le nom de Gebrselassie, vous ne verrez que des photos souriantes de lui. Il est pour moi l’incarnation de la bonne humeur dans la difficulté. Accepter les difficultés de la vie, accepter la souffrance, sur le tartan ou en dehors. Afficher sa bonne humeur. 

Peut être était-il un lecteur de Clément Rosset qui disait « Autant être heureux et ne pas se tourmenter, puisque le pire est certain ». Ou « Hakuna Matata » comme le diraient les voisins Kenyans. 

Une telle philosophie ne fait qu’aider à persévérer. A se battre jusqu’au bout. C’est un modèle de légèreté, tant par sa foulée que par sa philosophie. 

J’en suis persuadé, on a beaucoup à apprendre de ces légendes du sport. Sans sombrer dans l’angélisme. Chacun se construit des modèles en grandissant. Devenir adulte, c’est aussi garder des yeux rêveurs envers eux. Ne pas les déboulonner héros sa jeunesse est primordial.  

Et parce que l’on ne s’en lassera jamais, plusieurs video du maître. 

Un finish de folie entre Gebrselassie et Tergat aux JO de Sydney: https://www.youtube.com/watch?v=dia7xb7dz8Q

La passation de pouvoir en 2003: https://www.youtube.com/watch?v=njGGvaxZSro

Le meilleur pour la fin. Un final d’anthologie, dans lequel Tanui perd une chaussure: https://www.youtube.com/watch?v=3ZZ0Sg0WEV0

https://www.lemonde.fr/athletisme/article/2015/08/27/spo-on-a-retrouve-haile-gebreselassie-le-negus-du-marathon_4738586_1616661.html

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