« L’aventure, c’est être capable de refuser son destin, être prêt à partir à tout moment, concevoir encore et toujours de nouveaux projets, ne pas être assis, c’est en un mot vivre sa vie et la construire » Paul-Emile Victor
J’ai toujours été attiré par le « Grand Nord ». Les récits de Jack London, ou les films que j’ai pu voir sur ces régions désertées et hostiles n’ont cessés d’attiser cette fascination. Il y a quelque chose de primaire dans ces régions. La vie réduite à son plus simple appareil. Survivre dans un décor éblouissant… (Pas dit que cela aide). D’ailleurs, ces paysages sont souvent si éblouissants dans les films.
Dans la réalité, c’est souvent un peu moins vrai. Les nuits interminables d’hiver, la pluie et la brume constante sont des images que l’on voit un peu moins. On a plus l’habitude de voir les aurores boréales, les grands fjords blancs, les pentes verticales qui plongent dans une eau limpide sertie d’icebergs. Les livres donnent plus la mesure de la réalité de l’environnement qui règne là bas.
C’est après nos deux mois de confinement, et alors que nous étions toujours contraints à des déplacements à moins de 100 km, que j’ai entendu parler du livre Partir 66° Nord. Rien que le titre m’a donné envie de plonger dedans. Comme une invitation au départ, à mettre son bonnet, sa doudoune, et partir errer dans les immensités blanches, à la rencontre de contrées inhospitalières. Aller apercevoir la faune, les cascades rugissantes, l’herbe humide si verte sur les collines.
Partir 66° Nord est un récit d’aventure écrit par Sandrine Pierrefeu. C’est une navigatrice française, amoureuse des hautes latitudes. Suite à un voyage en bateau en Islande elle décide d’obtenir les certifications nécessaires pour être capitaine, et se fait engager dans le port d’Ísafjörður auprès d’un marin avec qui elle avait déjà vogué.
Dans ce livre, l’apprentie capitaine raconte trois voyages sur des voiliers en Islande, dont deux vers les côtes Groenlandaises. Et lors du dernier voyage, c’est bien elle qui sera la capitaine du voilier, quand dans les deux premiers, elle a plutôt le rôle de second.
C’est un livre très dépaysant. L’auteure nous livre son carnet de bord. Le livre est constitué de quatre chapitres. Un pour chaque voyage, et un consacré au moment de leurs préparations dans le port. Et ces chapitres sont composés de paragraphes, issus de réflexions, ou à propos d’évènements qu’elle vit.
Elle raconte le quotidien d’une vie à bord d’un voilier dans ces environnements hostiles. On y trouve la confrontation aux hommes, et aux caractères bien trempés des Nordiques. On ressent bien l’ambiance qui règne sur ces bateaux, où pilotes et guides voyagent avec les touristes qui découvrent ce grand nord. On sent la tension de l’équipage lorsque le temps est difficile. On sent la fraternité. La camaraderie et la bonne humeur à d’autres moments. On vit la dureté des quarts, le manque de sommeil, l’humidité qui envahit chaque recoin du bateau.
On sent aussi les vagues et le mauvais temps au fil de cette lecture. Le froid nous saisit au corps. Même en plein été, si vous lisez ce livre, munissez vous d’une couverture. Mais l’on saisit aussi les paysages grandioses qui jalonnent ce récit. Du volcan de Jan Mayen, ou des côtes Groenlandaises, les paysages sont partout grandioses. Resplendissants. Les images viennent aisément en tête grâce aux belles descriptions.
Le grand Paul Emile Victor est également toujours présent dans ces carnets de bord. Ce pionnier de l’aventure polaire a erré sur les côtes groenlandaises, et son ombre est très présente, à la fois dans les paysages décrits, mais aussi au travers de citations éparpillées tout au long du texte.
La lecture de cette formidable aventure ne donne pas le mal de mer. Au contraire, elle donnerait envie d’aller explorer. D’aller se confronter au grand froid, aux jours éternels, aux aurores boréales. La dureté et l’hostilité de l’environnement n’a d’égal que l’intensité des expériences vécues.
La force de ces grands aventuriers est de supporter cette hostilité pour apprécier toute la beauté du monde, toute l’intensité qui peut exister dans ces régions inhospitalières et désertées.
Car oui, Sandrine Pierrefeu est pour moi une grande aventurière des mers. Lorsqu’elle dit: « Quelque chose comme l’aléa absolu, ou l’aventure. Après le cirque que j’ai fait pour en arriver là, pas question de me dégonfler ». On comprend son caractère. Quoi qu’il advienne, elle ne se dégonflera pas. Pour l’amour de ces contrées, elle endurera les pires conditions. La marche arrière n’existe pas.
Ces pages se dévorent d’une traite. Le plaisir est immense. Et l’on se prend à rêver d’être un jour un grand aventurier. Peut être faut nous faut-il aussi partir vers ces espaces où se trouvent les infinis.
Le livre se termine par une formidable conclusion toute en poésie et en introspection. A lire avec délectation.
La référence du livre : https://www.glenat.com/hommes-et-oceans/partir-66deg-nord-9782344040553